La Traversée de la Meije – Reportage Photo au Sommet

Le Doigt de Dieu et les arêres de la Meije vus depuis le sommet du Grand Pic de la Meije

La Traversée de la Meije est une grande course d'alpinisme mythique. Probablement l'une des plus belles des Alpes. Assurément une course qui marque à vie la carrière d'un alpiniste.

Elle consiste à escalader le Grand Pic de la Meije (culminant à 3983 m) par l'itinéraire des pionniers de 1877 (l'arête du Promontoire), puis à rejoindre le sommet du Doigt de Dieu (3973 m) par la célèbre traversée des arêtes de la Meije. Ce véritable voyage entre terre et ciel sollicite toutes les qualités de l'alpiniste :  aisance sur tous les terrains (escalade en rocher, neige, glace, et traversée d'arêtes), manœuvres de cordes, rapidité de progression, recherche d'itinéraire, engagement et endurance.

Vous trouverez dans cet article un reportage photo sur la traversée de la Meije en boucle depuis La Grave (05). Un itinéraire sur trois jours avec des étapes au refuge du Promontoire et au refuge de l'Aigle.

Accès, topo, difficultés, infos pratiques

L'arête du Promontoire et le Grand Pic de la Meije
L'arête du Promontoire et le Grand Pic de la Meije

Jour 1 : Montée au refuge du Promontoire par la Brèche de la Meije

Alpinistes à la gare du Peyrou d'Amont en partance pour la Meije
Départ pour les Enfetchores et la Meije

Vue depuis La Grave, la Brèche de la Meije (3357 m) qui sépare les faces Nord du Râteau et de la Meije est une sorte de porte d'entrée pour l'alpiniste. Accéder au refuge du Promontoire depuis la Grave par la Brèche de la Meije est déja une une course en soi. Elle est d'ailleurs côtée PD, avec les difficultés qui s'échelonnent sur près de 1000 mètres de dénivelé. Elles sont principalement rocheuses et concentrées dans les Enfetchores et de part et d'autre de la brèche, avec un passage glaciaire.

A la sortie de la gare intermédiaire du Peyrou d'Amont (2414 m) des remontées mécaniques de la Grave, l'itinéraire se dévoile. Il est encore tôt pour se projeter au sommet du Grand Pic tellement les incertitudes sont encore grandes. Va-t-on bien récupérer ce cette première journée ? Fera-t-il beau le lendemain ? Y-aura-t-il du verglas sur les dalles de la face ouest ? Ou tout simplement : sera-t-on à la hauteur ?

Ce premier jour est finalement une sorte de test, un examen d'entrée en Meije qu'il faut passer avec mention.

Le contenu des sacs a été mûrement réfléchi en supprimant le superflu pour les alléger le plus possible. Une chose appréciable quand le lendemain on cherchera un frêle appui dans la Dalles des Autrichiens ou qu'on remontera en haletant à près de 4000 mètres la goulotte englacée de la Dent Zsigmondy. Hormis les repas du soir et les petits déjeuners qui seront pris en refuge, il ne contiennent que le strict nécessaire pour ces trois jours en haute-montagne.

Après avoir traversé le torrent de l'Abéous au point côté 2336 m et le Clos des Sables, on rejoint le pied de l'Enfetchore de gauche. Il s'agir d'un éperon de rocher haut de 500 mètres dont le nom provient du patois "s'enfetcher" qui signifie s'égarer ou se perdre. Finalement, il eût sans doute été préférable de ne pas connaître cette signification... Disons que cela forcera à se concentrer encore plus pour trouver le bon itinéraire.

Vue sur la face Nord et Rateau et son glacier depuis la moraine du Clot des Sables.
Vue sur la face Nord et Rateau et son glacier depuis la moraine du Clot des Sables.

Topo itinéraire des Enfetchores de gauche
Tracé approximatif de l'itinéraire dans les Enfetchores. Une autre possibilité est de contourner la dalle de départ par la gauche de l'éperon, côté glacier de la Meije.

L'entrée en matière est une dalle licheneuse difficilement protégeable, surmontée un peu plus haut d'une corde fixe à la solidité douteuse...  Le ton est donné. Heureusement, la suite est plus facile, avec des passage d'escalade peu difficiles entrecoupés de sentes plus ou moins marquées qui zigzaguent astucieusement entre les barres de rocher. Quelques cairns parsèment l'itinéraire et limitent (sans toutefois l'empêcher) la probabilité de "s'enfetcher" dans ce dédale.

Alpiniste dans les Enfetchores sous la face Nord de la Meije
Durant la montée dans les Enfetchores, la Meije et là, omniprésente, presque oppressante...

Escalade d'uen cheminée de rocher dans les Enfetchores
Un des passages d'escalade, une cheminée en III.

Alpiniste dans les Enfetchores sous la face Nord de la Meije
A la sortie, la face Nord de la Meije haute de 700 mètres se dévoile dans toute sa puissance.

Vue sur le Chazelet et le plateau d'Emparis depuis le sommet des Enfetchores
Vue sur le plateau d'Emparis et le Chazelet depuis le sommet des Enfetchores à environ 3000 mètres d'altitude. On distingue à gauche la gare de téléphérique du Peyrou d'Amont, point de départ de la journée.

Après avoir franchi quelques dalles polies, le terrain se couche et l'on se retrouve au sommet des Enfetchores. L'ambiance est particulière avec d'un côté les alpages verdoyants du plateau d'Emparis et du Chazelet, et en face la très impressionnante et austère face Nord de la Meije. C'est ici que l'on prend pied sur le glacier de la Meije pour rejoindre la brèche éponyme. Une fois la rimaye franchie, on se retrouve dans un sombre chaos de blocs rocheux et de pierres instables où comprend vite qu'il ne faut pas y trainer.

Alpiniste du sur le glacier de la Meije devant la brèche de la Meije.
La brèche est en vue. Mais gare aux crevasses sur le glacier de la Meije.

Alpiniste versant nord sous la Brèche de la Meije
Arrivée à la brèche de la Meije (3357m) côté Nord. Cette pente est un immense éboulis raide et branlant où la moindre chute de pierre peut vous catapulter sur le glacier...

À la brèche on retrouve le soleil et une vue magnifique se découvre sur le cœur du Massif des Écrins. L'interminable vallon des Étançons serpente jusqu'à La Bérarde (point de départ alternatif pour rejoindre le refuge), surplombé par le groupe de la Grande Ruine. On distingue au fond les Bans, la Cime de l'Encoula, les Pics du Vaccivier, la Pointe du Vallon des Étages et la Tête de l'Étret.

Vue Panoramique sur le Parc National des Ecrins depuis la Brèche de la Meije.
Vue Panoramique sur le Vallon des Étançons depuis la Brèche de la Meije.

En dessous, le refuge du Promontoire semble accroché au pied de la Meije. Mais pour le rejoindre, il faut encore faire preuve de vigilance et d'une extrême concentration. Les dalles sous la brèche de la Meije sont sèches, poussiéreuses et recouvertes de pierres instables. Le moindre faux pas est interdit. Heureusement, quelques spits sécurisent le passage.

Une fois la neige rejointe sur ce qu'il reste du glacier des Étançons, la pression retombe et on se met alors à penser à celle qu'on a mérité de boire au refuge.

Refuge du Promontoire et vue sur la Grande Ruine
Le refuge du Promontoire (3082 m) devant la Grande Ruine (3765 m)

Au refuge, on découvre le versant Sud de la Meije. C'est vraiment un choc, la muraille est si haute et raide ! En rejoignant la "bosse" située au dessus du refuge en face du passage du Crapaud, on découvre un formidable point de vue tout le versant Sud de la Meije, jusqu'au Doigt de Dieu, et on se prend à rêver de s'y dresser.

Mais pour l'heure, il est temps de se restaurer et se reposer. Fredi, gardien emblématique de ce refuge jusqu'en 2018, nous indique que monter au Grand Pic prend en moyenne à peu près 2 fois le temps de monter à la Brèche de la Meije. Nous avons mis 3h, les calculs sont vite faits... Demain sera une longue journée en montagne.

La Meije vue depuis le Refuge du Promontoire.
Depuis le refuge, le Reine Meije se dévoile.
C'est un vrai choc: elle est vraiment immense. 900m de granit vous dominent. Être au pied du mur au sens propre... va-t-on être à sa hauteur le lendemain ?

Début de l'arête du Promontoire à la Meije
Le début de l'arête du Promontoire et son magnifique granit doré typique du secteur. Plus haut, au dessus de la Pyramide Duhamel et la Muraille Castelnau, le glacier Carré est dans le brouillard.

Pas du Crapaud à la Meije
Première difficulté à franchir de nuit, à quelques mètres du refuge : le Pas du Crapaud, un court bombé déversant en III qui réveille !

Jour 2 : Arête du Promontoire et traversée des arêtes de la Meije

Tracé de l'itinéraire de la Traversée de la Meije
L'itinéraire de la Traversée de la Meije et et ses passages historiques

Au départ du refuge du Promontoire, il fait souvent nuit lorsqu'on part pour la Meije. Le créneau doit être judicieusement choisi. Pas trop tôt afin d'éviter de se perdre en grimpant dans l'obscurité trop longtemps, ni trop tard pour éviter les potentiels orages de l'après midi sur les arêtes.

Aigle, Capucin, Cheval, Chat, Âne...  Nous ces noms d'animaux qui parsèment la voie normale de la Meije trottent dans la têtes de chaque grimpeur. Autant de passages historiques dont on va bientôt comprendre la signification. Le premier à être rencontré est le Crapaud, situé une vingtaine de mètres au dessus du refuge. Rien de tel pour se réveiller et se mettre dans l'ambiance. Après quelques cannelures, on arrive au replat du Campement des Demoiselles, c'est le moment de quitter l'arête en tirant à gauche vers le couloir Duhamel. Il ne faut d'ailleurs pas chercher à le rejoindre trop vite mais rester sur sa rive gauche en remontant d'abord deux cheminées en III assez raides et souvent humides. Une fois le couloir rejoint, on se se sent pas vraiment en sécurité en cas de chute de pierres venant des cordées du dessus. Mieux vaut ne pas y trainer.

A la sortie du couloir Duhamel, vue sur la pyramide Duhamel et le glacier des Etancons.
A la sortie du couloir Duhamel, vue sur le glacier des Etancons. On distingue à droite la Pyramide Duhamel.

Lever de soleil sur le versant Sud de la Brèche de la Meije
Lever de soleil sur le versant Sud de la Brèche de la Meije franchie la veille, vue depuis le sommet du couloir Duhamel.

Alpiniste d'approchant de la Muraille Castelnau à la Meije
A la sortie du couloir Duhamel, l'arête se couche avant de venir buter sur la Muraille Castelnau. Un beau morceau d'escalade attend les alpinistes avant de rejoindre le glacier carré.

Vue sur la Muraille Castelnau à la Meije
La Muraille Castelnau, dont la principale difficulté est d'y trouver le bon itinéraire qu'on su y tracer les pionniers. Arrivez-vous à distinguer les grimpeurs ?

Au sommet du couloir Duhamel, on franchit la Dalle Castelnau, une plaque de rocher lisse peu inclinée avant de buter sur la Muraille Castelnau à environ 3400 mètres. C'est ici que se termine la partie facile de l'arête (qui n'a ensuite plus grand chose à voir avec une arête). Ce bastion haut de plus de 200 mètres a été la clé de la première ascension, dans lequel que seuls Emmanuel Boileau de Castelnau, Pierre Gaspard père et fils ont su trouver un passage le 16 août 1877 après plusieurs tentatives infructueuses.

Alpinistes attendant leur tour pour grimper au pied du mur Castelnau. Parc National des Ecrins.
Avant le passage du Mur Castelnau (III) que l'on rejoint par une traversée d'une dizaine de mètres à droite. L'escalade devient bien plus raide et soutenue à partir de cet endroit.

Après une courte traversée à droite, on doit franchir le Mur Castelnau, un passage raide de quelques mètres en III. Cette zone a été très touchée par l'éboulement de 2018. Par un astucieux système de vires en ascendance à gauche, on rejoint un bloc sur l'arête au niveau de la jonction avec la face Ouest : le fameux Dos d’Âne (III). En remontant à droite on traverse la Vire aux Encoches et on remonte un passage en cheminée pour atteindre le bas de la Dalle des Autrichiens. Elle peut se franchir par la droite dans un dièdre physique ou droit dans la dalle au dessus du relais (IV) avec une escalade un peu plus engagée et tout en finesse sur un rocher superbe. C'est le passage d'escalade le plus difficile de l'ascension.

Grimpeur dans la Muraille Castelnau
Le vide se creuse. Il est impossible ne de pas penser aux premiers ascensionnistes qui avec leur matériel désuet ont su trouver en 1877 leur chemin à force de courage et persévérance.

Grimpeur dans le passage du Dos d'Ane à la Meije.
Le passage du "dos d'âne" (III) un court bombé qui donne accès au fil de l'arête où l'on découvre un immense vide sur la face ouest.

Grimpeur à la Meije dans la vire aux encoches.
C'est en cherchant où placer ses pieds sur cette étroite dalle lisse déversée sans prises de mains qu'on comprend qu'on est sur la Vire aux Encoches.

Passage aérien entre la Vireaux Encoches et la Dalle des Autrichiens
Passage aérien à la sortie d'une cheminée juste avant la Dalle des Autrichiens. La Vire aux Encoches qui se situe sur le fil du pilier en arrière-plan.

Grimpeurs dans la Dalle des Autrichiens à la Meije
La Dalle des Autrichiens. Elle se franchit soit par le dièdre à droite, soit directement dans cette belle dalle de granit (IV) à gauche de l'image.

Après avoir contourné avec bloc aérien avec la délicatesse d'un félin (c'est le Pas du Chat, III), on finit par rejoindre la vire menant au Glacier Carré. C'est l'occasion de faire une petite pause et de chausser les crampons. La pente de neige pas très raide (35-40°) mais la moindre erreur d'inattention sur cette neige durcie par le gel et c'est le grand saut dans l'abîme... La concentration est extrême à chaque pas.

Le glacier Carré à la Meije, lieu de l'éboulement de 2018
Arrivée au glacier Carré où l'on découvre le Grand Pic de la Meije sur la droite. Deux semaines après cette photo avait lieu le 7 août 2018 un éboulement majeur qui menace désormais de chutes de pierres le bas de l'itinéraire dans la Muraille Castelnau.

Vue sur la pente et le rebord du glacier Carré.
Le rebord inférieur du glacier Carré. Au delà, c'est 600 m de verticalité...

À la Brèche Glacier Carré (3790 m), on découvre la vue sur le versant la Grave. Il ne reste "plus" à rejoindre le sommet du Grand Pic en gravissant son versant SW. Mais cette portion n'est pas à sous-estimer, notamment si un perfide verglas vient vous tendre des pièges invisibles sur certaines prises. L'escalade, jamais difficile, y est néanmoins soutenue et on doit se concentrer pour progresser "à corde tendue" pour ne pas exploser l'horaire. Lorsqu'on regarde au loin ou plus bas, on on ressent cette ivresse des cimes qui donne l'impression de grimper dans le ciel et être plus haut que tout.

Vue sur les Grandes Rousses depuis la Brèche du Glacier Carré
Vue sur le verdoyant plateau d'Emparis et les sommets des Grandes Rousses depuis la Brèche du Glacier Carré

Dalles au dessus du glacier Carré
Au dessus du glacier carré, des dalles raides sous le sommet donnent l'impression de grimper dans le ciel...

Dalles SW menant au Cheval Rouge
Attention au verglas provenant de la neige fondue la veille et regelée la nuit. Certaines prises peuvent être traîtres...

Pic du Glacier Carré
Le vide se creuse, on a dépassé l'altitude du Pic du Glacier Carré (3857 m). Au fond à droite, le Râteau émerge.

Le dernier passage clé de l'ascension est le Cheval Rouge que l'on aperçoit sous forme de brèche en "v" sur le fil de l'arête à gauche du Grand Pic. Ce court dièdre prisu flanqué sur sa gauche d'une dalle aussi lisse que rouge donne accès au versant Nord, permettant ainsi de contourner le mur raide de la facette ouest sous le Grand Pic. Est-ce la chance, l'intuition ou le génie qui ont guidé Gaspard et Castelnau vers ce passage ?

La Dalle du Cheval Rouge
La Dalle du Cheval Rouge

Le Cheval Rouge à la Meije
Assis sur le Cheval Rouge ! Un pied versant la Bérarde, un pied versant La Grave !

Grimpeur au dessus du Chapeua du Capucin à la Meije. Parc National des Ecrins.
Juste au dessus du Cheval Rouge, à la sortie du passage du "chapeau du Capucin", un passage très raide mais peu difficile, au dessus de l'abîme de la face nord.

Derniers metres avant le sommet du Grand Pic de la Meije.
Derniers mètres avant le sommet du Grand Pic de la Meije.

Juste au dessus on franchit un court ressaut vertical doté de bonnes prises (III+), le Chapeau du Capucin. Puis l'arête se couche et les derniers mètres d'ascension sont faciles. On a presque envie de ralentir, non pas par fatigue, mais pour savourer ce moment. On ne veut pas lever les yeux avant ce dernier instant rempli d'émotion que l'on attend depuis des années : se dresser fièrement au sommet du Grand Pic de la Meije à 3983 m d'altitude.

Mais immédiatement, une vue aimante le regard : l'impressionnant Doigt de Dieu et l'enfilade des Arêtes de la Meije qu'il va falloir franchir avant de rejoindre le refuge de l'Aigle.

Panorama noir et blanc sur les Ecrins au sommet du Grand Pic de la Meije.
Panorama sommet du Grand Pic de la Meije: les arêtes et le Doigt de Dieu, le Pic Gaspard, les Ecrins....

Les minutes passées sur un tel sommet sont si rares et si intenses qu'on voudrait qu'elles durent des heures. Mais il est déjà temps de se remettre en route. Malheureusement la course ne se termine pas au sommet du Grand Pic. En fait c'est même une seconde course qui commence avec la Traversée des Arêtes de la Meije. Une chevauchée fantastique sur succession de cinq dents qu'il faut gravir jusqu'à la dernière : le Doigt de Dieu. Il parait encore si loin...

Alpiniste en descente en rappel au Grand Pic de la Meije.
Dans les rappels du Grand Pic. En route vers les arêtes de la Meije...

Dent Zsigmondy ou premiere dent des arêtes de la Meije
La Dent Zsigmondy ou Première Dent (3936 m). On doit d'abord remonter à sa base pour ensuite la contourner côté nord.

Après quelques mètres de désescalade, on rejoint une ligne de 3 rappels qui déposent directement dans la Brèche Zsigmondy. Cette zone a été le théatre d'un monstreux effondrement en 1964 qui fit perdre à la brèche une vingtaine de mètres de hauteur et rendant alors l'escalade de la Dent Zsigmondy beaucoup plus difficile. Elle se contourne désormais par un passage en face Nord équipé d'un câble, donnant à la course une toute autre ambiance. Mais certainement pas l'ambiance débonnaire d'une via ferrata !

Sur le fil du rasoir de la Brèche Zsygmondy
A la Brèche Zsigmondy le terrain devient mixte, on chaussons les crampons pour les garder probablement jusqu'à l'Aigle

Vire versant nord contournant la Dent Zsigmondy.
Une vire neigeuse très exposée permet de contourner la Dent Zsigmondy et donne accès à une raide goulotte qu'il faudra remonter.

Cable dans la goulotte Zsigmondy
Dans la goulotte se trouve un câble grâce auquel (lorsqu'il n'est pas pris dans la glace) on peut progresser plus vite.

Après avoir remonté le fil de la brèche qui se termine en véritable rasoir, on redescend une rampe versant nord avant de remonter une goulotte de neige/glace qui se redresse de plus en plus. C'est le souffle court qu'on arrive à son sommet qui marque la fin des difficultés. On est heureux de retrouver le soleil qui réchauffe le rocher doré et les doigts. Après tout ce que l'on vient de passer, la suite est bien moins difficile et on sait qu'on tient le bon bout si la météo reste au beau fixe.

Deuxième Dent des arêtes de la Meije
Après la goulotte Zsigmondy, la Deuxième Dent (3947 m) s'atteint facilement. Le rocher est ici magnifique.

Chaussure au bord du vide
Sous ses pieds, une face à la verticalité prodigieuse: 1000m de vide jusqu'à la neige, et près de 2000m jusqu'au ruisseau.

Alpiniste sur les aretes de la Meije
Au sommet de la Deuxième Dent avant de descendre en rappel dans la brèche et gravir la Troisième Dent (3951 m).

Quatrieme dent des aretes de le Meije
Arrivée au sommet de la Quatrième Dent (3949 m)

Alpiniste en rappel à la Quatrieme Dent des aretes de la Meije
Le rappel de la 4ème dent, avec les Ecrins en toile de fond.

Quatrieme Dent des aretes de la Meije
Une cordée arrive au sommet de la 4ème Dent. L'homme n'est vraiment pas grand chose face à la montagne...

Le parcours des arêtes offre une vue absolument exceptionnelle avec près de 1000 m de vide sur le côté droit. Après avoir monté puis redescendu la Deuxième Dent (3947 m) puis la Troisième Dent (3951 m), on parvient au sommet étriqué de la Quatrième Dent ou Dent Blanche (3949 m) de par son rocher clair et qui se descend en deux petits rappels. Plus que quelques dizaines de mètres à escalader et on atteint enfin le sommet du Doigt de Dieu (3973 m). On regarde alors avec fierté tout le chemin parcouru depuis le matin et on se prend à rêver d'autres sommets en regardant la Meije Orientale, le Pavé et le Pic Gaspard tout proches...

Doigt de Dieu à la Meije
La Cinquième Dent : le Doigt de Dieu avec sa face Sud déversant où se termine l'incroyable voie directe ouverte par Victor Chaud.

Vue sur le Grand Pic depuis le sommet du Doigt de Dieu
Depuis le sommet du Doigt de Dieu, on peut mesurer le chemin parcouru depuis le matin. L'arête du Promontoire est bien visible.

Mais l'escalade est terminée pour aujourd'hui. Après quelques mètres de descente, un rappel dépose à une épaule au pied du Doigt de Dieu, et un second permet de franchir la rimaye pour prendre pied sur le Glacier du Tabuchet. On peut enfin se déplacer sur plus de dix mètres sans devoir se servir de ses mains ! Un dernier moment de concentration pour traverser un pont de neige surplombant une immense crevasse et c'est fourbu, mais heureux, que l'on rejoint le tant attendu Refuge de l'Aigle. On a désormais des souvenirs dans la tête pour l'éternité...

Alpinistes dans la Descente du Doigt de Dieu à la Meije avec vue sur le pic Gaspard
Installation du premier rappel dans ma descente du Doigt de Dieu. En arrière plan : la Meije Orientale (3890 m) et le Pic Gaspard (3883 m)

Passage de rimaye en rappel sur le glacier du Tabuchet
La rimaye du Doigt de Dieu se franchit en un long rappel qui permet de prendre pied sur le glacier du Tabuchet

Cordée d'alpinistes sur le glacier du Tabuchet. Parc National des Ecrins.
Clap de fin pour la traversée de le Meije ! Encore quelques mètres et le refuge est là pour une pause bien méritée.

Vue panoramique du refuge de l'Aigle
Le Refuge de l'Aigle, perché à 3450m d'altitude

Jour 3 : Refuge de l'Aigle et descente au Pied du Col

Le Refuge de l'Aigle fait partie des refuges mythiques et historiques. Ne serait-ce qu'y passer une nuit est une expérience mémorable. Perché au sommet d'un petit piton rocheux à 3450 m d'altitude à l'intersection entre le glacier du Tabuchet et le glacier de l'Homme, il offre sur ce dernier une vue plongeante très impressionnante. Il fut pendant longtemps une sorte de dernier des mohicans, le "dernier vrai refuge" disaient certains. Une frêle cabane en bois construite en 1910 dotée d'une unique pièce qui faisait office de dortoir et de salle à manger.

Il a été rénové en 2014 afin de le rendre moins vulnérable (notamment vis-à-vis du risque d'incendie) et un peu plus spacieux, mais il a gardé son âme. Une fois l'étroit vestibule franchi, on retrouve une pièce unique où les couchages s'étirent sur trois niveaux. Une partie de sa charpente a été conservée et ses vieilles poutres patinées rappellent ainsi la grande époque de l'alpinisme.

Dortoirs du nouveau refuge de l'Aigle.
Dortoirs du nouveau refuge de l'Aigle.

Salle à manger à l'intérieur du nouveau refuge de l'Aigle. Parc National des Ecrins.
La salle à manger

Le Glacier de l'Homme et les Pointe Nérot, Pointe des Pichettes et Pointe Piaget
Le Glacier de l'Homme et les Pointe Nérot, Pointe des Pichettes et Pointe Piaget

Grand Pic de la Meije
Grand Pic de la Meije

Le rejoindre n'est pas accessible à tout le monde étant donné le terrain délicat qu'il faut franchir au niveau de la Vire Amieux et les 1800 mètres de dénivelé qui transforment la montée en véritable "bavante". L'autre façon d'y parvenir en été est via les arêtes de la Meije. Au printemps, le passage du Serret du Savon permet aussi aux skieurs-alpinistes d'y accéder depuis le glacier de la Meije et le refuge du Promontoire.

Panorama sur les Pics de Combeynot et les Cerces depuis le refuge de l'Aigle.
Panorama sur les Pics de Combeynot et les Cerces depuis le refuge de l'Aigle

Depuis l’exiguë terrasse du refuge, la vue est fantastique. Côté Est, le regard dévale le raide Glacier de l'Homme et la vue s'étend jusqu'aux Cerces et au delà. Côté Sud, une muraille faite de roc, de neige et de glace qui s'étend du Pic Gaspard jusqu'au Grand Pic de la Meije. À l'Ouest les pentes débonnaires du glacier du Tabuchet guident le regard vers la vallée de la Romanche et les courbes apaisantes du massif des Grandes Rousses, tandis qu'au Nord on découvre les Aiguilles d'Arves.

Aube sur le glacier du Tabuchet au pied du refuge de l'aigle
Aube sur le glacier du Tabuchet au pied du refuge

S'il est possible (mais probablement éreintant) de redescendre directement dans la vallée après avoir réalisé la traversée de la Meije, passer une nuit au Refuge de l'Aigle permet de prolonger le plaisir du temps passé "là haut". La Meije est là, toute proche, et on n'a pas encore envie de la quitter. Au petit matin, on profite de l'ambiance toute particulière de l'aube qui précède un magnifique lever de soleil sur les arêtes où l'on jouait la veille au funabule.

Lever de soleil sur les arêtes de la Meije
Le soleil se lève sur les arêtes de la Meije

Panorama à contrejour sur le Grand Galibier
Le Grand Galibier

Après avoir chaussé les crampons, on redescend les pentes douces du glacier du Tabuchet avant de bifurquer sur la droite dans les rocher au niveau de la Vire Amieux. Cet astucieux passage situé vers 3200 mètres sous le Bec de l'Homme fut découvert par un ancien guide de La Grave, Lucien Amieux. Après avoir désescaladé les rochers jusqu'en contrebas du Col du Bec (3065 m), on rejoint le plancher des vaches et la longue descente à travers les rocailles puis les alpages verdoyants et ensoleillés qui mènent jusqu'au Pied du Col dans la vallée.

Ainsi se termine cette fabuleuse aventure sur cette montagne mythique. Une chose est certaine désormais, on ne regardera plus la Meije comme avant.

Fin de la descente vers le Pied du Col du Lautaret
Fin de la descente vers le "Pied du Col" du Lautaret

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